Tout d’abord, définir la procrastination
C’est un terme qui est de plus en plus usité ces dernières années, un peu à toutes les sauces, je vous l’accorde. Le mot procrastination étymologiquement vient de pro « en avant » et de crastinum « le lendemain », c’est une tendance à remettre les choses au lendemain.
Vous aviez très envie de vous mettre au travail ou de faire cette chose que vous devez absolument faire, mais bizarrement vous avez trouvé plus important à faire : faire une sieste, regarder une vidéo sur youtube ou une série sur Netflix, faire une lessive, faire les courses (c’est au moins ça de fait !), consulter les réseaux sociaux sur votre téléphone, manger un petit bout… Bref pas du tout ce qui était prévu au départ !
On ne s’en douterait pas, mais le phénomène est étudié sérieusement ! Depuis les années 90 des chercheurs comme Ferrari, Steel, Lay, Mann et bien d’autres ont réfléchi sur ce comportement. Katrin B. Klingsieck, une allemande, y a consacré sa thèse et je vous conseille l’un de ses articles (Klingsieck, 2013) pour aller plus loin scientifiquement sur l’étude de ce phénomène.
Ce comportement est en fait assez complexe et surtout multicausal. En fonction des individus, les raisons de procrastiner sont vraiment variables ; nous y reviendrons dans la dernière partie de cet article. La conséquence sera que les façons de la contrer aussi et ce point sera vu dans notre prochain article.
Mais voyons une illustration simple de ce phénomène et ce qu’il se passe du côté du cerveau lorsque l’on procrastine.
Comment expliquer la procrastination du côté du cerveau ?
Une conférence très célèbre de Tim Urban sur Ted Talk illustre à merveille ce phénomène ; je vous conseille de regarder cette conférence, elle est très bien faite. Tim Urban s’intéresse spécifiquement à ce phénomène de procrastination et il anime un excellent blog sur ce sujet « Wait but Why« .
Dans sa conférence et en partant de sa propre expérience, il illustre le phénomène de procrastination en parlant de 2 personnages principaux présents dans sa tête de procrastinateur.
Le décideur rationnel (rational decision maker) qui est le capitaine du navire et qui se laisse distraire par le singe de la gratification immédiate (instant gratification monkey) qui le pousse à faire tout et n’importe quoi, mais surtout pas ce qu’il avait prévu de faire au départ. Il évoque un troisième personnage: le monstre panique (the panic monster) qui intervient lorsque la dead line se fait vraiment sentir.
Il fait aussi une différence entre la procrastination avec dead line et celle sans, la dernière étant les choses importantes de votre vie que vous repoussez et qui n’ont pas de date d’échéance, cet élément est tout aussi crucial.
Ces différents personnages imagent très bien les différentes zones de votre cerveau en conflit lorsque vous procrastinez. Le décideur rationnel correspond au cortex pré-frontal, que nous avons déjà évoqué dans un article précédent et le singe de la gratification immédiate au cortex limbique. La procrastination pourrait s’expliquer facilement (mais vous vous doutez que c’est bien plus complexe !) par un conflit entre ces 2 zones: le pré-frontal, la raison et le limbique, les émotions.
Le troisième personnage, le panic monster appartient aussi au limbique, c’est lui qui déclenche le stress qui vous mettra finalement au travail, s’il y a une dead line évidement et sinon rien ne se passera, s’il n’y en a pas… Vous ne ferez jamais tous ces projets rêvés, envisagés ou prendre ces importantes décisions dans votre vie… Vous procrastinerez !
Votre capacité à contrôler ou à inhiber ce petit Monkey est appelée aussi contrôle de l’impulsivité ou délai de la gratification. Elle est illustrée par une célèbre expérience « l’expérience du Mashmallow » (vous pouvez en visionner une illustration). Datant des années 70 et réalisée par l’Université de Stanford en Californie, elle montre comment des jeunes enfants résistent à manger un mashmallow posé sous leur nez dans l’espoir d’en un avoir un deuxième, s’ils patientent suffisamment… pas évident, sacré contrôle !
Quelles sont les causes de la procrastination ?
Comme dit précédemment, elles sont multiples. Ce qui fait que vous procrastinez et que vous reportez vos actions prévues, dépend de beaucoup d’éléments de votre personnalité. Cela peut être:
– Le désintérêt de la tâche, déplaisante ou fastidieuse (C’est pas amusant ! c’est ennuyeux !)
– L’obligation (J’ai pas envie mais je suis obligé !)
– Le perfectionnisme, niveau d’exigence personnel trop élevé (Faut que ce soit parfait sinon rien !)
– Une tâche trop complexe (C’est trop compliqué ! J’y arriverai pas)
– L’incertitude, trop de choix, difficulté à prendre une décision (Mais par où commencer ?)
– L’anxiété de l’évaluation, du jugement (Et si je rate, que va-t-on penser de moi ? Mieux vaut ne rien faire)
– La peur de l’inconnu ( Je sais pas comment faire, je laisse tomber)
– Une habitude (Et à force cela devient une habitude !)(voir mon article sur ce sujet)
Et vous comment vous procrastinez ?
Définir votre profil de procrastinateur est essentiel ! Quel procrastinateur êtes-vous ? sera la première étape si vous souhaitez travailler sur cet aspect . Posez-vous et demandez vous quand et pourquoi vous procrastinez, prenez 5 minutes et notez les points qui vous viennent en tête. Faites-le aussi lorsque vous êtes entrain de procrastiner. Pourquoi procrastinez-vous ?
Sans cette première étape vous n’aurez pas conscience de vos mécanismes et vous ne pourrez pas trouver la solution adéquate pour sortir de ce comportement.
Pour vous aider je peux vous proposer des échelles de procrastination validées par la communauté scientifique, il en existe de nombreuses en fonction des types de procrastination. Ici je vous en propose 3, l’une sur la procrastination en général (Lay, 1986), l’une sur la procrastination décisionnelle (Mann, 1982) et enfin une dernière sur la procrastination académique (Solomon & Rothblum, 1984; Osiurak et al. 2015). Vous pouvez vous évaluer et voir aussi vos progrès au cours du temps en les refaisant de temps en temps.
Dans notre prochain article nous verrons quelles méthodes simples et faciles on peut mettre en place pour jouer avec notre procrastination… à la semaine prochaine !
Partagez-moi en commentaire votre profil de procrastinateur et vos réflexions sur ce sujet !
Bibliographie
Joseph R. Ferrari, Judith L. Johnson, & William G. McCown. (1995). Procrastination and Task Avoidance Theory, Research, and Treatment. https://doi.org/10.1007/978-1-4899-0227-6
Klingsieck, K. B. (2013). Procrastination. European Psychologist, 18(1), 24–34. https://doi.org/10.1027/1016-9040/a000138
Lay, C. H. (1986). At last, my research article on procrastination. Journal of Research in Personality, 20(4), 474–495. https://doi.org/10.1016/0092-6566(86)90127-3
Mann, L. (1982). The Decisional Procrastination scale. Cited in J. R. Ferrari, J. L. Johnson & W. Mc.Cown (Eds.), Procrastination and Task Avoidance : Theory, Research and Treatment (Pp. 71-96). NY: Plenum Press.
Osiurak, F., Faure, J., Rabeyron, thomas, Morange, D., Dumet, N., Tapiero, I., Poussin, M., Navarro, J., Reynaud, E., & Finkel, A. (2015). Predictors of academic procrastination: Self-determined motivation, self-esteem and degree of maximization. Pratiques Psychologiques, 21. https://doi.org/10.1016/j.prps.2015.01.00
Steel, P. (2007). The nature of procrastination: A meta-analytic and theoretical review of quintessential self-regulatory failure. Psychological Bulletin, 133(1), 65–94. https://doi.org/10.1037/0033-2909.133.1.65
Les images sont issues de Pixabay et retravaillées par moi-même.
Bonjour Madame ! Je prends enfin le temps de commenter votre blog.
Je trouve ça vraiment très intéressant tant dans l’apprentissage que vous nous apportez tant dans la pratique des exercices.
Nous sommes jeunes et c’est à ce moment-là que nous nous découvrons et grâce à vous, nous pouvons approfondir sur la connaissance de notre mode de fonctionnement à chacun.
J’ai déjà appris beaucoup sur moi en l’espace de quelques semaines, je vous en remercie !
Alizée Bidault.
Merci beaucoup pour ton retour !